« Nos conseillers ne sont pas incités
financièrement ».
Vous
avez vu cette phrase qui s’étale depuis peu sur les écrans pour le crédit
agricole. Peut-être avez-vous également ressenti que quelque chose n’allait pas
avec cet exercice de communication. Une surprise, un doute, une gêne même. Ne
cherchez plus, ce que vous avez ressenti c’est la perfidie. Et la perfidie
c’est justement l’art de tromper sans en avoir l’air. Mais pour cela encore
aurait-il fallu commencer par ne pas trop en faire.
Et le trop est justement dans la phrase : «Nos conseillers ne sont pas financièrement incités à proposer un produit plutôt qu’un autre». Pourquoi avoir précisé «financièrement»? Qu’apporte donc ce mot à la démonstration? Il n'est pas inutile. Il veut juste dire que ces braves employés ne reçoivent pas de prime. C’est probablement vrai. Mais gare à celui qui ne tiendra pas ses objectifs de vente! Celui-là n’est pas prêt d’être promu ou de voir sa demande de mutation acceptée. Il y a tant de manière « d’inciter » les gens sans leur verser un pourcentage des ventes. Et c’est cette grossière ficelle sémantique qui lève le voile sur le vrai message.
Ça trompe énormément |
En
mettant en avant ses employés de guichet, le message du crédit agricole est
clair: culpabiliser tous ceux, et ils sont nombreux, qui considèrent les
banques comme responsables de la crise, comme des institutions avides guidées
par le seul souci de maximiser leur milliards, de vampiriser tout ce qui passe
à leur portée, de diriger l’économie à courte vue. A tous ceux-là, le crédit
agricole dit : «regardez-bien sur qui vous médisez, ce sont des gens
honnêtes, qui aiment leur travail et le font avec beaucoup de simplicité. Alors
pourquoi tant de haine, ce sont des gens comme vous, c’est vous !». Il ne
manquait plus que des enfants et des petits chats.
Pourtant
ce ne sont pas ces employés qui sont visés. Non, ceux qui sont visés par
cette accusation devenue légitime des institutions financières, ce sont les
traders, ce sont les dirigeants, ce sont les fonds cachés dans des paradis
fiscaux, ce sont tous ceux qui se gavent de bonus indécents. Mais ce n’est pas
cette partie d’elle-même que la banque met en avant. Au contraire, elle nous
montre de simples employés qui justement n’ont pas droit aux bonus, aux primes.
Elle nous montre de simples employés susceptibles eux aussi de perdre leur
travail à la première moins-value.
Pour
masquer ses dérives, la banque se cache derrière ses éléments les plus
fragiles. Elle s’approprie leur innocence. Elle nous les désigne. Elle en fait
des otages. Elle est là la perfidie: nous désigner qui seront les victimes si
nous ne changeons pas d’opinion sur les banques. Ce n’était pas la peine de
dépenser tant d’argent, nous le savions déjà.
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Bonjour,
RépondreSupprimerMerci pour ce billet.
"Et c’est cette grossière ficelle sémantique qui lève le voile sur le vrai message."
Eh ! oui.. c'était "le bon sens près de chez vous"
Mais combien font l'effort de changer de banque ? il y en a quand même de moins "requins" que d'autres...